Homme et Femme: La question du Pastorat (3/4)

Nous arrivons maintenant à l’examen de la parole donnée par Paul en 1 Timothée 2:12. Mais avant d’étudier ce verset, il nous faut nous poser la question des auditeurs et du but de la lettre.

Il est clair que Paul écrit ici une lettre à Timothée qui est alors  responsable à l’église d’Éphèse (1:1-4). Sa lettre se veut être un encouragement pastoral de la part de Paul pour qu’il persévère dans la bonne doctrine et que celle-ci puisse rester intacte au sein de l’église locale.

En effet les versets 3:14-15 sont particulièrement parlant :

Je t’écris ceci, avec l’espoir d’aller bientôt chez toi ; mais si je tarde, tu sauras ainsi comment il faut se conduire dans la maison de Dieu, qui est l’Église du Dieu vivant, la colonne et l’appui de la vérité.

Paul possède nettement un projet apostolique en tête lorsqu’il écrivit cette lettre. Tout en encourageant Timothée et en adressant des problématiques ecclésiologiques spécifiques, il avait la claire intention que ses prescriptions soient fermement gardées et obéies au sein de l’église d’Éphèse, mais aussi au sein des églises alentour, et cela avec une visée temporelle permanente (usage de l’argument créationnel comme nous le verrons).

Ceci se remarque aussi au chapitre 4, où Paul parle des “derniers temps” (qu’il comprenait comme étant déjà  présents (l’usage du présent au verset 3 le confirme)) et conclut au verset 6 :

En exposant cela aux frères, tu seras un bon serviteur du Christ-Jésus, nourri des paroles de la foi et de la bonne doctrine que tu as exactement suivie.

Paul parlait de ce qu’il a dit juste auparavant, mais il est certain que l’ “exposition” dont Paul parle peut inclure l’ensemble des prescriptions ecclésiologiques de la lettre. L’ensemble de la lettre constitue un rappel concis de doctrines qui devaient être alors rappelées à Timothée pour l’église d’Éphèse afin que celle-ci demeure dans la “sainte doctrine” et sache comment se conduire.

L’ensemble des doctrines développées par Paul ont une portée temporelle qui dépasse la seule église d’Éphèse, car la réalité de la “maison de Dieu” désigne la réalité de l’église locale de tout âge.

Ainsi, lorsque nous lisons cette épître, nous devons garder en tête que Paul désire nous transmettre des principes qui sont aussi pour l’église d’aujourd’hui à moins que Paul n’exprime clairement que cela ne doit pas être  le cas.

 

La question du pastorat

Au chapitre 2, Paul déclare :

Je ne permets pas à la femme d’enseigner, ni de prendre de l’autorité sur l’homme; mais elle doit demeurer dans le silence. Car Adam a été formé le premier, Eve ensuite; et ce n’est pas Adam qui a été séduit, c’est la femme qui, séduite, s’est rendue coupable de transgression.  Elle sera néanmoins sauvée en devenant mère, si elle persévère avec modestie dans la foi, dans la charité, et dans la sainteté. (verset 12 à 15).

Je ne pourrais pas me livrer ici à une exégèse poussée dans le cadre limité de cet article (Pour une étude approfondie, je ne peux que conseiller l’excellent livre de T.Schreiner et A. Kostenberger, Women in the Church (2nd Edition)), mais nous pouvons noter les points suivants :

– Paul donne une interdiction formelle et directe (οὐκ ἐπιτρέπω).

– Cette interdiction concerne deux choses précises : “enseigner ” et “prendre autorité sur” (διδάσκειν (…) οὐδὲ αὐθεντεῖν). Ces deux verbes sont à l’infinitif présent, et  donc une traduction telle que “enseigner en prenant  autorité” n’est alors pas justifiée. Le terme “οὐδὲ ” (ni), relie ici deux activités qui possèdent toutes deux une valeur positive : Enseigner la doctrine et Exercer une autorité sur la congrégation (cf. Etude linguistique de Kostenberger).
Dans le contexte de 1 Timothée, il est clair que la notion “d’enseigner” est à comprendre dans la dynamique de la charge d’ancien/pasteur ( 1 Tim 4:11, 6:2 et 2 Tim 2:2). Et c’est en effet là que s’exerce l’autorité : l’autorité de l’ancien s’exerce toujours par la médiation de la parole “prêchée” et “proclamée”. Son autorité est dépendante de l’autorité de l’enseignement biblique. Le terme αὐθεντεῖν (prendre autorité) est loin d’être si obscur que certains voudraient le faire croire, car c’est bien le sens “Exercer une autorité sur” qui est la définition la plus exacte dans le contexte biblique directe en tenat compte l’usage de celui-ci dans le grec koine (cf. Chapitres 2 & 4 de Women in the Church  (Kostenberger & Schreiner)).

– Cette interdiction ne se limite pas au contexte culturel du 1er siècle, mais elle fait partie d’un développement anthropologique de la Bible (v. 13&14) pour les églises de tout temps (cf. chapitre 1 de  Women in the church ; cf. Section 2 de Recovering Biblical Manhood and Womanhood ). Cette interdiction est là pour témoigner de la “primogéniture” d’Adam, du fait qu’Adam a été créé avant la femme. Ainsi l’interdiction “d’enseigner et de prendre autorité” est clairement établie par Paul comme le reflet de la différence “économique” au sein de l’altérité sexuelle qui caractérise l’être humain.

Sauvé en accouchant ?

Il est ainsi important de saisir que le projet divin de créer un homme et une femme complémentaires comporte aussi en son sein le projet de Dieu que cette complémentarité soit exprimée dans l’église locale.

Mais Paul ne dit pas que nos sœurs ne possèdent que l’appel d’être “mère”, ce serait tordre ce que Paul dit.

Le fameux verset 15 souligne que c’est “au sein de leur féminité” (dont la maternité en est une des plus glorieuses et gracieuses manifestations) que les soeurs de nos églises exprimeront une vie de foi où leur Créateur, qui les a créées “femmes”, sera pleinement glorifié. Une vie de foi expression de leur salut dans l’union et la communion en Christ.

Paul soulignait tout simplement que la reconnaissance de la complémentarité des genres au sein de la famille et au sein de l’église locale sont des choses qui font entièrement partie de l’obéissance de la foi, car elles expriment avec gloire et beauté le projet créateur de Dieu. Un projet au sein duquel l’homme et la femme sont égaux en tant que Créatures. Un projet au sein duquel l’homme et la femme possèdent une tâche complémentaire et harmonieuse qui exprime la symphonie anthropologique  primordiale voulue par notre Dieu Père, Fils et Saint-Esprit.

Loin d’être machiste, Paul souligne dans ce fameux verset 15 que la reconnaissance de “sa féminité” fait partie des fruits qui caractérisent l’obéissance de la foi.

Paul a pris l’exemple de “donner naissance à des enfants” comme une des  caractéristiques les plus “transculturelles” pour parler de la “féminité”. On pourrait faire une paraphrase de ce verset qui inclut d’autres éléments de 1 Timothée  en disant :

Eve a été séduite en premier et s’est effectivement rendu coupable d’une transgression. Mais elle sera effectivement sauvée par grâce par le moyen de la foi ( »  si elle persévère avec modestie dans la foi, dans la charité, et dans la sainteté. » (2.15), … tout comme Adam !) au sein de sa féminité, une féminité “renouvelée” où elle se réappropriera  la juste complémentarité qui caractérise le couple et en s’éloignant ainsi de ce “rapport de violence et de domination” qui résulte  de la chute. Cette féminité s’exprime en particulier dans cette grâce que le Seigneur lui a faite d’être celle qui porte et qui donne naissance aux enfants du couple. Ce sera ainsi le cas pour toutes ses “descendantes” (Il faut souligner le passage du singulier au féminin du verset 15a (σωθήσεται δὲ διὰ τῆς τεκνογονίας) à 15b (ἐὰν μείνωσιν ἐν πίστει καὶ ἀγάπῃ καὶ ἁγιασμῷ μετὰ σωφροσύνης)).

Toutes les femmes seront sauvées par le moyen de la foi, tout comme les hommes (Gal 3:28).

Mais le fait d’être une nouvelle créature  en Christ n’élimine pas notre altérité sexuelle :

– Les hommes seront sauvés par la foi au sein de leur masculinité et marcheront dans l’obéissance de la foi tout en accomplissant leur rôle d’homme  dans une dynamique marquée par la grâce (en particulier ce rôle d’autorité qui leur fut  assigné lors de la création caractérisé par un amour sacrificiel).

– Les femmes seront sauvées par la foi au sein de leur féminité et marcheront dans l’obéissance de la foi tout en accomplissant leur rôle de femme dans une dynamique marquée par la grâce (en particulier ce rôle d’épouse qui leur fut  assigné lors de la création et dont le fait  d’enfanter en est une des plus belles manifestations).

L’obéissance de la foi inclut une vie dans laquelle nous reconnaissons et pratiquons notre altérité sexuelle (féminin ou masculin) que nous recevons lors de notre conception.

 

 Mais alors, qu’en est-il de la possibilité qu’une femme puisse exercer un “ministère rémunéré” au sein de l’église locale?

Malheureusement, ce sont les ecclésiologies de types pyramidales où le pasteur est le seul ministère reconnu et rémunéré qui  mènent à  une impasse les projets de nos sœurs de vouloir servir Dieu à plein temps au sein de leur église locale.

Car, au sein d’une vision ecclésiologique qui incorpore une vision complémentaire de l’homme et la femme, la nécessité de faire un budget où il existe des postes rémunérés pour nos sœurs autres que le pastorat devient une évidence non-négociable. C’est ironique, mais je pense que le mouvement féministe qui a poussé à la reconnaissance du pastorat féminin souffre d’un certain syndrome pyramidal et  enferme  les femmes dans une vision trop étriquée de ce qu’est le  “ministère” dans l’église locale. En effet, ils n’ont pas su réévaluer un de leurs présupposés de base qui est celui de  comprendre le “poste pastoral” comme le seul “poste rémunéré” où nos sœurs pourraient développer leurs capacités dans la théologie, l’accueil, l’accompagnement, le catéchisme … .

Voici une réflexion très intéressante de Paul Wells à ce sujet :

1 Timothée 2 et 1 Corinthiens 11 parlent du culte de l’Eglise. Dans 1 Timothée 2 et 3, la femme ne doit pas occuper la charge “d’episkopos-didaktikos”, assumer l’office de celui qui conduit l’ assemblée dans la prière, la prophétie et l’instruction. Le fait que l’apôtre fait référence à la soumission et à la loi dans 1 Corinthiens 14 indique que son argument concerne non pas n’importe quelle façon de parler, mais le fait de parler quand on a une position de responsabilité (ou d’autorité).

Ceci ne veut pas dire, bien sûr, que la femme ne peut pas prier ou prophétiser. La restriction concerne ces fonctions exercées officiellement par le responsable de l’assemblée. Si tous peuvent prophétiser selon 1 Corinthiens 14.23- 24, il s’agit ici d’un charisme donné à tous et qui n’implique pas une position d’autorité dans l’assemblée. 14.33b renvoie à 11.16 et aux traditions établies (voir aussi la question rhétorique dans 14.36). Dans ce cas, le silence des femmes indique non les charismes, mais la charge de conduire l’assemblée. (…) La femme, sans aspirer à devenir responsable de l’Eglise, doit accomplir sa vocation créationnelle de vis-à-vis (qui comprend, mais ne se limite pas, à celle d’épouse et de mère de famille, à laquelle est associée son «salut»: 1 Tim 2.15).

La personne de “l’episkopos” doit renforcer le principe fondamental du couple, non le contraire. L’exercice par une femme de l’ autorité sur les hommes-époux dans l’Eglise implique un renversement de la structure de responsabilité au sein du couple et des familles de l’Eglise; il dévalorise, en même temps, la maternité des femmes qui sont mères.

“Le souci de Paul n’est pas culturel et superficiel. Ce qui se passe dans l’Eglise ne doit pas renverser ou dévaloriser les rôles et donc les relations, enracinés dans la création de Dieu, qui appartiennent respectivement aux hommes -époux et pères -et aux femmes -épouses et mères.” (Barrett dans Evangelical Quarterly, 1989,237)

(Revue Promesse n° 116 (http://www.promesses.org/arts/116p21-31f.html))

 

Ainsi, le texte de Paul quant à l’interdiction du pastorat féminin est clair, mais ce sont les applications de ce texte qui vont nous demander le plus de travail pour savoir articuler une saine et sainte complémentarité dans les “postes rémunérés” au sein de nos églises et de nos fédérations.

 

Encore une fois, voici la conclusion très pertinente de Paul Wells :

 

Ces textes bibliques n’ont pas pour contexte la culture, mais la création et la christologie. Ils sont donc transculturels et, ainsi, ne se périment pas dans l’Eglise, où l’ordre créationnel n’est pas gommé, mais restauré et purifié. Ils indiquent que le rôle d’autorité et d’enseignement dans le culte public incombe à l’homme et que la femme ne peut pas y accéder sans déshonorer son “chef”.

Ils ne traitent pas de coutumes locales, mais de traditions qui remontent à Jésus ou, au moins, aux apôtres; ils sont donc d’application générale: pour toute l’Eglise. Ils ne dévalorisent pas la femme, car ils concernent non sa nature, mais sa fonction. Les respecter ouvre, au contraire, la voie à l’exercice d’une diversité de ministères, autres que celui de conducteur-pasteur, qui soient utiles et bienfaisants pour toutes et tous dans l’Eglise.

S’écarter de l’enseignement biblique à cet égard me semble grave pour deux raisons:

– ce serait modifier le fondement apostolique de l’Eglise;

– ce serait permettre que s’établissent de nouvelles structures de relations entre les femmes et les hommes dans les autres domaines de la vie, surtout dans la famille, au sein de laquelle la subordination de la femme n’est rien moins qu’un modèle de comportement christique… comme c’est aussi le cas dans l’Eglise;

– ma conviction en ce qui concerne le pastorat féminin est fondée sur trois textes, interprétés selon l’analogie avec d’autres textes bibliques (avant tout ceux de la Genèse, Ephésiens 5 et 1 Pierre 3.1- 7) traitant le rapport créationnel homme-femme et la nature du ministère consacré. Ce fondement, s’il peut sembler mince, est néanmoins largement suffisant. Aucun texte sur le ministère dans l’Eglise permettant aux femmes de devenir anciens-enseignants ne lui est, en effet, opposable. Est-il permis de modifier les structures de l’Eglise sans une raison biblique explicite (voir 1 Corinthiens 14.36-38)?

Arguer du silence de l’Ecriture sur le pastorat féminin ne revient-il pas à supposer que celle-ci est insuffisante sur ce sujet? Pouvons-nous remplacer son message explicite pour des raisons “culturelles et sociologiques”, finalement très faibles, sans contrecarrer l’autorité de l’ Ecriture sur ce point? N’est-ce pas en adoptant une herméneutique relativiste sur une question que nous nous ouvrons au pluralisme sur toutes les autres?

(Revue Promesse n° 116 (http://www.promesses.org/arts/116p21-31f.html))

La prochaine fois, nous étudierons la validité de l’affirmation de certains qui soulignent que nous devons dépasser cette compréhension, tout comme nous ne pouvons plus accepter l’esclavage aujourd’hui.

 

Site à consulter : Council on Biblical Manhood and Womanhood

Livres à consulter :

– A. Kostenberger & T. Schreiner, Women in the Church.

– W. Grudem & J. Piper, Recovering Biblical Manhood and Womanhood.

– B. Reaoch, Women, Slaves, and the Gender Debate: A Complementarian Response to the Redemptive-Movement Hermeneutic.

 

 

 

DS

 

 

 

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