Des femmes païennes sont mentionnées dans la généalogie de Jésus. Pourquoi ?

  • Article de Craig S. Keener publié sur son blog le 3 décembre 2012. Traduction : Elodie Meribault

 

Matthieu se plait à mettre en avant différents éléments de l’arrière-plan de Christ. Jésus s’identifie à Israël et se présente comme son roi, mais la présence de païens dans sa généalogie prépare la voie à l’un des thèmes les plus importants de l’évangile de Matthieu.

De nos jours, fort heureusement, nous incluons les femmes dans nos généalogies ; ce n’était pourtant pas le cas auparavant. Cependant, si Matthieu tenait absolument à inclure des femmes dans la généalogie de Jésus, il aurait pu citer certaines « matriarches » de premier premier plan : Sarah, Rebecca, Léa, ou encore (dans une moindre mesure) Rachel. Au lieu de quoi, il met l’accent sur quatre femmes qui étaient soit des païennes, soit associées à des païennes.

Tamar, au verset 3, est une Cananéenne qui a enfanté deux enfants à Juda ; en Genèse 38, Dieu lui rend justice. Nous sommes nombreux à connaître l’histoire de Rahab, citée au verset 15. C’était une femme de Jéricho, que Dieu a épargnée. Le livre de Josué contraste Rahab, qui a trahi son peuple pour servir Israël, et Akan de la tribu de Juda, qui a, quant à lui, trahi le peuple d’Israël. Rahab a caché des espions sous son toit ; Akan a caché un butin sous sa tente. Rahab et sa famille ont été sauvées ; Akan et sa famille ont été exterminés. L’histoire montre bien que le problème ne dépend pas de l’ethnie, ou de culture, mais de la volonté de l’homme d’être du côté de Dieu.

Mt 1.5 mentionne également Ruth. Elle était Moabite, et les Moabites n’étaient pas autorisés à s’unir à Israël jusqu’à la dixième génération (Dt 23.3). Ruth a cependant rejoint Israël et est devenue l’ancêtre directe du Roi David, car elle a accepté le Dieu d’Israël. La quatrième femme, Bath-Scheba, que Matthieu appelle simplement la « femme d’Urie » en 1.6, était probablement Israélite de naissance, mais était devenue païenne par alliance en devenant femme « d’Urie le Hétien ».

D’ordinaire, le but des généalogies juives est de souligner la pureté des ancêtres. Pourquoi Matthieu met-il délibérément en évidence les ancêtres païens de Jésus ? En réalité, son but est de montrer que le plan de Dieu a toujours été pour toutes les nations. Et ces trois ancêtres païens du roi David ainsi que la mère du roi Salomon étaient des païens sont des indices censés nous mettre sur la voie. Ce thème est récurrent dans l’évangile de Matthieu : des mages d’orient viennent honorer Jésus, un centurion romain et une femme cananéenne témoignent d’une foi extraordinaire, les compagnons d’exécution de Jésus ont été les premiers à le connaître en tant que Fils de Dieu après la croix… Tout ces éléments nous conduisent versets après versets jusqu’à l’apogée du livre : l’appel de Jésus de faire de toutes les nations des disciples (Mt 28.18-20).

 

Quel enseignement pouvons-nous retirer de cet accent particulier sur les nations dans l’évangile de Matthieu ? Premièrement, Dieu veut que nous dépassions nos a priori raciaux, culturels et ethniques. L’amour de Dieu n’est pas limité à un groupe particulier de personnes ; il est destiné à tous les hommes ; il nous invite donc à l’offrir à tous les hommes. Deuxièmement, cela nous rappelle l’importance de la mission auprès des païens. S’il est vrai que nous aimons tous les peuples, nous devons nous engager à partager la bonne nouvelle de Christ avec tous.

Matthieu établit trois groupes de quatorze générations, les reliant à chaque fois à des événements importants de l’histoire d’Israël ; d’Abraham à David, de David jusqu’à l’exil, et de l’exil à Jésus.

Son but n’est est pas d’établir une chronologie précise. Comme les auteurs des livres des Chroniques, il passe librement sous silence les générations les moins importantes. Son véritable objectif est plutôt de représenter l’histoire d’Israël par « étapes ». Dieu effectue des changements radicaux dans l’histoire. Le peuple d’Israël a connu des expériences toutes particulières avec Dieu au temps d’Abraham, de David, et de l’exil. À la naissance de Jésus, Israël était en train de vivre un nouveau tournant de son histoire. Jésus est l’apogée de l’histoire d’Israël, l’accomplissement de l’espoir et des promesses de tous les prophètes.

Le Dieu de l’Histoire travaille encore aujourd’hui, accomplit ses promesses et nous rappelle le salut qui nous a été offert en Christ.

 

 

Craig S. Keener est professeur de Nouveau Testament à la faculté de théologie Asbury. Il est particulièrement connu pour son commentaire en quatre volumes sur le livre des Actes et pour ses travaux sur l’arrière plan historique de la Bible. Craig est marié à Médine Moussounga Keener, une francophone du Congo. Leur passion pour l’Afrique et la Francophonie les ont amenés à diffuser gratuitement plusieurs des ressources qu’ils ont produites, comme cet excellent manuel d’interprétation biblique. Craig Keener est titulaire d’un doctorat (Ph.D.) décerné par l’université de Duke.

 

 

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