L’Eglise des premiers siècles était-elle hostile aux femmes ?

Cet article a été publié par Michael J. Kruger sur Canon Fodder (si vous maîtrisez l’anglais, suivez ce blog!) le 18 avril 2016. Traduction Dahlia Faltas.

**

 

Nous vivons dans une culture obnubilée par la question de l’identité et des problématiques autour du genre, il n’est pas surprenant que le christianisme se retrouve confronté à de sérieuses critiques en ce qui concerne sa position sur la place de la femme.

Le christianisme – surtout s’il défend une théologie complémentariste – est perçu par beaucoup de personnes de notre culture comme oppressant et nuisible pour les femmes. Il n’offre pas, nous dit-on, cet environnement amical et accueillant dans lequel les femmes pourraient s’émanciper et prospérer.

Mais ce n’est pas un problème spécifique au christianisme moderne. L’oppression des femmes, affirme-t-on, était surtout un problème datant du début du christianisme. Après tout, disent les critiques, dans les tous premiers siècles de l’église, la culture chrétienne était encore très patriarcale, et à ce titre elle doit beaucoup aux vues misogynes de l’apôtre Paul.

 

 

>> Cette émission pourrait vous intéresser : <<
Pourquoi la position complémentariste est-elle si importante ?

 

 

Laissant de côté les questions relatives au christianisme de notre époque, je souhaiterais évaluer ces affirmations à propos des débuts du christianisme – en particulier au deuxième siècle. Est-il réellement vrai que le christianisme du deuxième siècle constituait un environnement hostile pour les femmes ?

Si tel était le cas, personne n’a visiblement pris la peine de le dire aux femmes du deuxième siècle, car elles ont adhéré en masse à la foi chrétienne.

 

Il est en effet bien établi que le christianisme rencontrait beaucoup de succès auprès des femmes durant cette période. Le sociologue Rodney Stark estime qu’il est probable que les deux tiers de la communauté chrétienne de cette période étaient constitués de femmes. C’est exactement l’opposé de la proportion de femmes dans le monde gréco-romain, qui n’était que d’environ un tiers de la population.

Cela signifie que les femmes quittaient de manière intentionnelle les systèmes religieux du monde gréco-romain dont elles étaient familières et qu’elles décidaient consciemment de rejoindre le mouvement chrétien en expansion. Personne ne les a forcées, personne ne les a obligées à devenir chrétiennes.

Bien au contraire, le christianisme constituait au IIème siècle une culture rejetée. C’était un mouvement en rupture à plusieurs niveaux : légal, social, religieux et politique. Les chrétiens étaient profondément méprisés, considérés avec méfiance et suspicion, et souvent perçus comme une menace à la stabilité de la société.

 

Et pourtant, des femmes en grand nombre se sont jointes au christianisme primitif.

Ces femmes surgissent de toutes parts dans nos sources chrétiennes les plus anciennes. Elles sont persécutées par le gouvernement romain, elles accueillent des églises dans leurs maisons, elles prennent soin des pauvres et de ceux qui sont en prison, elles voyagent en tant que missionnaires, elles sont de riches entrepreneuses qui supportent financièrement l’église, et bien plus encore.

Et en effet, ce christianisme ayant tant de succès auprès de la gente féminine est celui dont les critiques païens du christianisme (Celse, Lucien) se moquaient, affirmant qu’il s’agissait d’une religion de femmes.

Arrêtons-nous sur ce point un instant. Dans le monde antique, le christianisme faisait l’objet de moqueries en raison de son parti pris pour les femmes !  Nous sommes bien loin de ce qu’on entend aujourd’hui dans certaines conversations.

Les raisons pour lesquelles le christianisme offrait un environnement si favorable aux femmes ne sont pas difficiles à comprendre. Il offrait des possibilités réelles d’investissement dans le ministère (avec honneur et dignité), il condamnait l’infanticide des filles (une pratique qui avait considérablement réduit le nombre de femmes dans la population païenne), il dénonçait le mariage des enfants (qui était nuisible pour les jeunes filles), et prônait des mariages plus sains dans lesquels le divorce était condamné et le recours aux prostituées et au concubinage interdits (entrainant une fertilité accrue chez les chrétiens).

Tout cela présente de sérieux problèmes pour ceux qui soutiennent que le christianisme était oppressif à l’égard des femmes. Bien sur, j’imagine que ceux qui défendent un tel point de vue répliqueront que ces femmes gréco-romaines étaient en réalité naïves et facilement trompées lorsqu’elles s’imaginaient que le christianisme était bon (comme toute personne cultivée aujourd’hui le sait), alors qu’en réalité il ne l’était pas.

Mais, de manière tout à fait ironique, une telle approche est condescendante et dégradante pour la gente féminine. Cela revient à dire que les femmes du deuxième siècle étaient trop ignorantes pour savoir ce qui était bon pour elles.

Bien plus encore, une telle approche est coupable de “l’arrogance du contemporain” : nous serions les seuls, nous modernes, à savoir ce qui est le mieux, et toutes les anciennes générations étaient bien trop primitives pour en savoir quelque chose.

 

La meilleure réponse – une réponse qui fait honneur aux preuves historiques– est de reconnaître que le christianisme antique assurait un environnement profondément sain et accueillant pour les femmes.

Et si cela était vrai à l’époque, nous devrions peut-être considérer que cela est encore vrai aujourd’hui.

 

 

 

 

Abonnez-vous au Bon Combat

Recevez tous nos nouveaux articles directement sur votre boîte mail ! Garanti sans spam.

Guillaume Bourin est co-fondateur du blog Le Bon Combat et directeur des formations #Transmettre. Docteur en théologie (Ph.D., University of Aberdeen, 2021), il est l'auteur du livre Je répandrai sur vous une eau pure : perspectives bibliques sur la régénération baptismale (2018, Éditions Impact Academia) et a contribué à plusieurs ouvrages collectifs. Guillaume est marié à Elodie et est l'heureux papa de Jules et de Maël