Crise des migrants : comment agir bibliquement ?

Le Conseil National des Evangéliques de France, par la voix d’Etienne Lhermenault, vient de prendre clairement position sur l’épineuse question de la crise dite “des migrants”. 

Nous ne pouvons qu’abonder dans le sens de cet édito du CNEF, en particulier quand nous constatons certaines prises de position de plus en plus extrême de certains de nos frères et soeurs. 

C’est aussi dans ce contexte que nous avons découvert cet article de Dai Hankey que nous avons pris la décision de traduire en Français pour les lecteurs du Bon Combat. Merci à Hélène Messet pour la traduction et l’adaptation. (1) 

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Voilà plusieurs jours que je pensais écrire un article sur la crise des réfugiés à laquelle l’Europe est confrontée depuis un moment (je préfère l’appeler la crise des “réfugiés” plutôt que la crise des “migrants”, comme la presse a tendance à le faire, parce qu’il y a une différence de sens significative entre ces deux termes !).

Cependant, j’ai été amené à voir récemment cette photo atroce du cadavre d’un petit enfant Syrien rejeté par la mer méditerranée, et cela m’a décidé à écrire !

 

La seule chose est que… honnêtement je ne sais pas vraiment quoi dire.

 

Tellement de voix se font entendre dans cette affaire actuellement – allant de celles plaidant la miséricorde à celles criant “verrouillez les portes !”…

Je dois avouer que j’ai été tenté de me lancer dans une lamentable critique du niveau d’égoïsme de notre société, de sa méchanceté, et de combien elle a perdu son cœur pour l’Evangile.

Cependant, je ne veux pas être simplement “une voix de plus” au milieu de cette cacophonie d’opinions conflictuelles. Je ne veux pas non plus que mes mots soient gaspillés.

Je souhaiterais plutôt apporter des mots plus grands, et bien meilleurs que ceux que je suis capable de produire. Je souhaiterais entendre ce que Dieu a à dire sur ce qui se passe. Je voudrais laisser la Bible parler.

 

Comprenez bien qu’il ne s’agit absolument pas de mener une étude complète sur ce que dit la Bible à propos des réfugiés. Cependant, c’est une bonne base pour commencer.

Voici quelques éléments.

 

 

Dieu est un refuge pour les réfugiés

Dieu est décrit de nombreuses fois dans l’Ancien Testament comme étant un “refuge”.

  • Psaume 61:3 : “Car tu es pour moi un refuge, une tour forte, en face de l’ennemi.
  • Psaume 143:9 “Délivre-moi de mes ennemis, ô Eternel ! Auprès de toi je cherche un refuge.

 

Cela signifie que Dieu est un lieu sûr vers lequel s’élancer lorsque le danger nous environne. Dieu est en lui-même un havre ultime de sûreté, un sanctuaire par essence.

Il est donc un peu étonnant de constater que, dans Deutéronome 10, il présente son cœur comme étant compatissant pour la justice et disposé à la grâce pour les pauvres et les vagabonds.

  • Deut. 10:17-18 : “Car l’Eternel, votre Dieu, est le Dieu des dieux, le Seigneur des seigneurs, le Dieu grand, fort et terrible, qui ne fait point de favoritisme et qui ne reçoit point de présent, qui fait droit à l’orphelin et à la veuve, qui aime l’étranger et lui donne la nourriture et des vêtements.

 

Dans le verset suivant, Dieu est très clair sur ce que cela signifie pour son peuple et pourquoi :

  • Deut. 10:19 : “Vous aimerez l’étranger, car vous avez été étrangers dans le pays d’Egypte.

En d’autres termes…

 

 

 

Dieu veut que son peuple offre refuge aux réfugiés

Dans Deutéronome, au chapitre 24, Moïse développe de manière plus poussée ce que ce signifie pour le peuple racheté de Dieu que d’agir avec compassion envers les personnes désavantagées et déplacées :

  • Deut. 24:18-20 :  “Tu te souviendras que tu as été esclave en Egypte, et que l’Eternel, ton Dieu, t’a racheté ; c’est pourquoi je te donne ces commandements à mettre en pratique. Quand tu moissonneras ton champ, et que tu auras oublié une gerbe dans le champ, tu ne retourneras point la prendre : elle sera pour l’étranger, pour l’orphelin et pour la veuve, afin que l’Eternel, ton Dieu, te bénisse dans tout le travail de tes mains. Quand tu secoueras tes oliviers, tu ne cueilleras point ensuite les fruits restés aux branches : ils seront pour l’étranger, pour l’orphelin et pour la veuve.

 

La justice pour les réfugiés a littéralement été gravée dans la loi juive et l’enseignement de l’Ancien Testament. Elle se résume à cela : soyez plein de grâce parce que vous avez reçu la grâce vous-mêmes !

Il n’est donc pas étonnant que le concept d’hospitalité pleine de miséricorde ait été parfaitement saisi par Job le juste, alors qu’il déclare :

  • Job 31:32 : “Si l’étranger passait la nuit dehors, si je n’ouvrais pas ma porte au voyageur…

 

Je me demande si nous pourrions dire la même chose en France de nos jours…

 

 

 

Jésus est venu en tant que réfugié

Lorsque l’on examine le Nouveau Testament, on voit qu’il est important de relever ce point pourtant simple mais trop souvent négligé : Jésus Christ était lui-même un réfugié !

Alors que le Fils de Dieu n’était qu’un tout petit enfant, ses parents ont dû fuir en Egypte pour le protéger du régime meurtrier d’un dirigeant tyrannique.

  • Matthieu 2:13-15 : “Lorsqu’ils furent partis, voici, un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, et dit : Lève-toi, prends le petit enfant et sa mère, fuis en Egypte, et restes-y jusqu’à ce que je te parle ; car Hérode cherchera le petit enfant pour le faire périr. Joseph se leva, prit de nuit le petit enfant et sa mère, et se retira en Egypte. Il y resta jusqu’à la mort d’Hérode, afin que s’accomplisse ce que le Seigneur avait annoncé par le prophète : J’ai appelé mon fils hors d’Egypte.

 

Lorsque nous voyons sur nos écrans ces images de parents désespérés, serrant leurs petits enfants tout en s’efforçant d’atteindre cette sécurité et cette sûreté qu’ils espèrent obtenir à l’étranger, nous devrions être d’autant plus frappés, car c’est le même chemin que notre Sauveur a dû emprunter.

Il est réellement ce grand prêtre qui peut compatir à toutes nos douleurs et nos faiblesses !

 

 

Nous avons nous-mêmes été au moins une fois étrangers ou voyageurs

Dans sa lettre aux Ephésiens, Paul nous rappelle cela, en déclarant que, tout comme les Israélites de l’Ancien Testament, nous aussi avons été des étrangers et des voyageurs. Non pas dans le sens physique ou social du terme, mais dans le sens spirituel.

Cependant, fort heureusement, nous avons reçu la rédemption, un refuge et la citoyenneté par la grâce de Dieu pour nous en Christ.

  • Ephésiens 2:12-13 ,19 :  “Souvenez-vous que vous étiez en ce temps là sans Christ, privés du droit de cité en Israël, étrangers aux alliances de la promesse, sans espérance et sans Dieu dans le monde. Mais maintenant, en Jésus-Christ, vous qui étiez jadis éloignés, vous avez été rapprochés par le sang de Christ…Ainsi donc, vous n’êtes plus des étrangers, ni des gens du dehors ; mais vous êtes concitoyens des saints, gens de la maison de Dieu.

 

Pierre explique aussi cela :

  • 1 Pie. 2:9-10 :  “Vous, au contraire, vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, afin que vous annonciez les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière, vous qui autrefois n’étiez pas un peuple, et qui maintenant êtes le peuple de Dieu, vous qui n’aviez pas obtenu miséricorde, et qui maintenant avez obtenu miséricorde.

 

Remercions Dieu pour Sa grâce et Sa miséricorde stupéfiantes ! Nous avons réellement besoin de garder cela en tête lorsque nous avons à réfléchir sur le statut des Syriens en souffrance et des autres réfugiés qui fuient vers nos rives.

 

 

 

Nous sommes encore des voyageurs et des exilés

Je trouve fascinant qu’à la suite de ces versets qui louent la miséricorde de Dieu qui nous sauve et qui fait de nous une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte… Pierre écrit alors ces mots :

  • 1 Pie. 2:11-12 :  “Bien-aimés, je vous exhorte, comme étrangers et voyageurs sur la terre, à vous abstenir des convoitises charnelles qui font la guerre à l’âme. Ayez au milieu des païens une bonne conduite, afin que, là même où ils vous calomnient comme si vous étiez des malfaiteurs, ils remarquent vos bonnes œuvres, et glorifient Dieu, au jour où il les visitera.

 

Pierre nous rappelle que nous étions des habitants désespérés…sauvés par grâce de la tyrannie du péché…mais que nous ne sommes pas encore chez nous !

Notre citoyenneté est au ciel, et nous ne sommes donc pas tout à fait à notre aise ici, dans ce monde.

Nous sommes encore des habitants, non plus en état de danger spirituel, mais pèlerins dans ce voyage divin vers un monde meilleur.

Nous devons voyager léger, tout en voyageant bien, dans la mesure où nous aspirons à refléter la glorieuse lumière de l’Evangile dans ce monde obscur et désespéré.

 

 

L’hospitalité devrait être un enjeu majeur pour l’Eglise

L’hospitalité est au cœur de l’Evangile chrétien, Evangile qui est essentiellement l’histoire d’un grand et généreux roi qui ouvre son cœur, sa maison et qui laisse manger à sa table ses ennemis.

Par grâce, le Père nous délivre, nous restaure, nous adopte et prend plaisir en nous, nous accordant une part de l’héritage de son fils, et disant “Ce qui est à moi t’appartient !”

Comprendre le caractère radical de l’hospitalité de Dieu envers nous est crucial si nous voulons comprendre…et obéir…aux enseignements du Nouveau Testament :

  • Romains 12:12-13 :  “Réjouissez-vous en espérance. Soyez patients dans l’affliction. Persévérez dans la prière. Pourvoyez aux besoins des saints. Exercez l’hospitalité.
  • 1 Pierre 4:8-10 :  “Avant tout, ayez les uns pour les autres un ardent amour, car l’amour couvre une multitude de péchés. Exercez l’hospitalité les uns envers les autres, sans murmures. Comme de bons dispensateurs des diverses grâces de Dieu, que chacun de vous mette au service des autres le don qu’il a reçu.
  • Hébreux 13:1-3 : “Persévérez dans l’amour fraternel. N’oubliez pas l’hospitalité; car en l’exerçant, quelques-uns ont logé des anges, sans le savoir. Souvenez-vous des prisonniers, comme si vous étiez aussi prisonniers; de ceux qui sont maltraités, comme étant aussi vous-mêmes dans un corps.

 

 

La table de la sainte Cène nous rappelle l’hospitalité divine de Dieu envers ceux qui ont besoin de grâce.

Quelle que soit la réponse de notre gouvernement ou du peuple français à la crise des réfugiés, je tiens à affirmer sans ambiguïté que la réponse de l’Eglise de France doit être une réponse qui consistera en une action pleine de compassion.

Des frontières fermées et des politiques rigides démontrent une fermeture d’esprit et des cœurs durs.

Cette crise qui se déroule sous nos yeux en ce moment même doit nous permettre d’examiner nos propres cœurs en tant que peuple de Dieu.

Nous devons prier ardemment, rédiger des pétitions à l’attention de nos responsablespolitiques, soutenir des organisations caritatives, et à chaque fois que cela est possible, offrir un accueil chaleureux, une amitié sincère, et de l’hospitalité à ces réfugiés qui débarquent sur nos rives.

 

[…]

 

 

Nous serons jugés selon notre hospitalité

Je conclurai cet article avec les paroles de Jésus-Christ :

  • Matthieu 25:31-46 : “Lorsque le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges, il s’assiéra sur le trône de sa gloire.Toutes les nations seront assemblées devant lui. Il séparera les uns d’avec les autres, comme le berger sépare les brebis d’avec les boucs ; et il mettra les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche.Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, vous qui êtes bénis de mon Père ; prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde. Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli ; j’étais nu, et vous m’avez vêtu ; j’étais malade, et vous m’avez rendu visite ; j’étais en prison, et vous êtes venus vers moi.

    Les justes lui répondront : Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, et t’avons-nous donné à manger ; ou avoir soif, et t’avons-nous donné à boire ? Quand t’avons-nous vu étranger, et t’avons-nous recueilli ; ou nu, et t’avons-nous vêtu ? Quand t’avons-nous vu malade, ou en prison, et sommes-nous allés vers toi ? Et le roi leur répondra : Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites.

Ensuite il dira à ceux qui seront à sa gauche : Retirez-vous de moi, maudits ; allez dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges. Car j’ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’ai eu soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais étranger, et vous ne m’avez pas recueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas vêtu ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas rendu visite. Ils répondront aussi : Seigneur, quand t’avons-nous vu ayant faim, ou ayant soif, ou étranger, ou nu, ou malade, ou en prison, et ne t’avons-nous pas assisté ? Et il leur répondra : Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous n’avez pas fait ces choses à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne les avez pas faites. Et ceux-ci iront au châtiment éternel, mais les justes à la vie éternelle.” (2)

 

 

 

 

 

 

Notes et références :

(1) En réalité, il s’agit d’une traduction directe. La seule adaptation est que les mentions du Royaume Uni se sont transformées en des références à la France.

(2) Même si ce passage n’est pas commenté dans l’article, il est bon de se souvenir qu’il désigne avant tout l’hospitalité entre croyants et frères dans la foi. Cela n’enlève rien à la pertinence de ce dernier point. Pour aller plus loin en ce qui concerne l’interprétation du passage de Matthieu 25:31-46, écoutez ce podcast du blog Un Héraut dans le Net.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Guillaume Bourin est co-fondateur du blog Le Bon Combat et directeur des formations #Transmettre. Docteur en théologie (Ph.D., University of Aberdeen, 2021), il est l'auteur du livre Je répandrai sur vous une eau pure : perspectives bibliques sur la régénération baptismale (2018, Éditions Impact Academia) et a contribué à plusieurs ouvrages collectifs. Guillaume est marié à Elodie et est l'heureux papa de Jules et de Maël