Comment envoyer (vraiment) quelqu’un en enfer ?

Il ne fait aucun doute que la doctrine de l’enfer est l’une des plus douloureuses et des plus difficiles a aborder, même au sein de nos Eglises.
Alors peut-on raisonnablement en parler lorsque nous annonçons l’Evangile ?

A mon avis, il s’agit là du sujet le plus difficile à exposer à nos contemporains.

En admettant que Dieu existe, comment, dans une société postmoderne qui prône la tolérance, pourrait-on accepter qu’un Dieu -soit disant d’amour- puisse condamner des personnes à un châtiment éternel ? Impensable !

Il faut reconnaître que de nombreux préjugés minent le terrain et qu’à ce sujet plusieurs reproches peuvent être adressés à l’Eglise.
De nombreux prédicateurs ont manipulé les fidèles en prêchant cette doctrine d’une manière dénuée d’amour, souvent en ayant comme principal objectif de contrôler les foules.

D’autre part, l’imagerie populaire pollue le sujet : qui ne s’est jamais imaginé Satan armé de sa fourche faisant rôtir les impies ?
Chaque année, les mondes littéraires et cinématographiques renvoient au travers de leurs productions une théologie de l’enfer bien éloignée de la vérité biblique.

Il est donc important que cette doctrine soit proclamée fidèlement par l’Eglise afin que la vérité soit annoncée.

Cependant, il faut le reconnaître, c’est probablement LE sujet biblique le moins populaire auprès des prédicateurs.
Très récemment, une personne m’a confié que jamais cette doctrine n’avait été abordée dans son église locale au cours des sept dernières années !

Ce que je suis en train de dire, c’est que même parmi les chrétiens se réclamant d’un héritage évangélique s’attachant à la théologie de Réforme et se voulant être centré sur l’Evangile, cette doctrine n’est quasiment plus abordée.
Comment développer une doctrine de l’Evangile solide tout en la détachant de celle de l’Enfer ? Impossible !

Chaque chrétien se doit d’être au clair sur cet enseignement et prêt à exposer ce que la Bible en dit. Car Jésus n’est pas venu nous sauver de nos problèmes d’argent, mais de l’enfer que nous méritons tous.
Nous ne pouvons donc pas séparer la doctrine de la croix de celle de l’enfer.

 

 

Description biblique de la doctrine de l’enfer

Le mot enfer ne se trouve pas dans la Bible. Il vient du Latin infernum, “région inférieure“, mais est progressivement devenu synonyme des mots qui sont utilisés dans la Bible pour le décrire (Géhènne, étang de feu, etc.).

Le langage biblique de l’enfer est toujours très imagé, et cela est logique : il s’agit en effet d’une réalité que nous ne connaissons pas encore.
En utilisant un tel langage, l’objectif de la Parole est très clair : nous faire comprendre que l’enfer est un lieu effroyable.

Un ver qui ronge sans fin, un feu qui brûle sans fin. Lieu de ténèbres où il n’y a que pleurs et grincement de dents, lieu où l’on boit la colère de Dieu déversée sans dilution et où l’on mène une “existence“ marquée par la honte éternelle, etc. (Esa 66. 22-24 ; Daniel 12. 2 ; Matt 10. 28 ; Matt 22. 1-14 ; 13. 42 ; 13.50 ; 24 ? 51 ; 35. 30 ; Matt 25. 41 ; 2Th 1.9 ; Heb 9. 27 ; Apo 14. 9-11 ; 20. 10-15… liste non exhaustive)

L’enfer est un lieu réservé pour Satan, ses anges et tous ceux qui n’auront pas obéi à l’Evangile seront jetés après avoir été ressuscité et jugé par Jésus-Christ. Pour l’éternité ils seront privés de la présence de Dieu et connaitrons un tourment conscient dans tout leur être : émotionnellement, physiquement et spirituellement…

Dante résume bien cette réalité dans la première partie sa Divine Comédie intitulée “Enfer“ : “Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance.“

 

Mais comment concilier l’amour de Dieu avec une telle doctrine ?

Premièrement, rappelons-nous que l’amour ne s’oppose pas à la colère

Tous ceux qui sont mariés et qui ont des enfants le savent plus que quiconque ^^ !

Nous qui sommes moralement imparfaits, nous pouvons être profondément en colère face au mal ou face à une terrible injustice. A combien plus forte raison la colère de celui qui est moralement parfait et étranger au mal doit être grande !

Dieu n’est pas un pervers cosmique, sa colère n’est pas le fruit d’un caprice ou d’une cruauté.

Sa colère est la manifestation de sa détermination à détruire le mal. Il ne prend aucun plaisir sadique dans la mort du méchant mais ne tolère aucun péché devant sa face : “Dis-leur: je suis vivant! dit le Seigneur, l’Éternel, ce que je désire, ce n’est pas que le méchant meure, c’est qu’il change de conduite et qu’il vive. Revenez, revenez de votre mauvaise voie; et pourquoi mourriez-vous, maison d’Israël ?“ (Ez. 33. 11).

 

Deuxièmement, rappelons-nous que la compréhension humaine de la justice est limitée

En raison de notre humanité même, nous sommes limités (nous ne sommes pas omniscient). A cela s’ajoute le fait que notre conscience est trompée par le péché en nous.
Nous ne pouvons donc pas avoir une conception parfaite de la justice et nous devons faire confiance à Dieu en recevant sa révélation.

 

Troisièmement, posons-nous la question : qui a le droit de déterminer quelle est la juste rétribution d’une offense ?

Le coupable ou à la victime ?
Si vous trompez votre conjoint, est-ce à vous de décréter qu’un bouquet de fleur peut vous accorder le pardon ? Non, le choix du pardon ne peut venir que de la victime. La balle est dans son camp. C’est nécessairement à la partie offensée qu’il revient de fixer les conditions du pardon.

A Dieu revient donc le seul droit d’établir les conditions du pardon.

 

Quatrièmement, rappelons-nous à qui l’offense est faite

Vous ne risquez pas la même chose si vous insultez votre voisin de palier ou si c’est le Président de la République qui est l’objet de votre verbe (sauf si votre voisin est très costaud ou qu’il est le Président !).

En effet, le Président est la plus haute autorité dans le pays. L’insulter est grave parce que cela représente un affront à son autorité, une attaque à la dignité de sa fonction, et une défiance au respect qui lui est du.

Le péché est avant tout une violation de la Loi de Dieu. C’est une offense infinie parce qu’elle est faite à quelqu’un dont l’autorité, la dignité, la sainteté, l’honneur, la puissance et les perfections morales sont infinis.
Le péché commis contre lui est donc un mal infini.

C’est ce que le roi David comprit lorsqu’il se repentit du meurtre d’Uri et de sa relation adultère avec sa femme : “J’ai péché contre toi seul, Et j’ai fait ce qui est mal à tes yeux, En sorte que tu seras juste dans ta sentence, Sans reproche dans ton jugement.“ (Ps 51. 6)

Je crois que nous avons beaucoup de mal à mesurer à quel point le péché est grave, laid, sombre et détestable  pour le Dieu Saint. Devant les hommes, nos péchés ne sont peut-être pas si graves, mais devant Dieu ils sont incommensurables.

Dieu révèle la gravité de cette rébellion envers son autorité absolue en nous révélant la gravité de la peine que nous encourons tous sans son intervention : L’enfer.

 

Et c’est précisément cela qui rend l’œuvre de la croix si glorieuse !

C’est celui envers qui nous avons une dette infinie qui vient la payer à notre place sur la croix.

Christ a été envoyé pour être abandonné pour nous à la croix afin d’y subir le châtiment qui nous était réservé. Il l’a fait volontairement pour nous sauver pour que le Père déverse sur lui sa colère pour nous sauver.

“Méprisé et abandonné des hommes, Homme de douleur et habitué à la souffrance, Semblable à celui dont on détourne le visage, Nous l’avons dédaigné, nous n’avons fait de lui aucun cas. Cependant, ce sont nos souffrances qu’il a portées, C’est de nos douleurs qu’il s’est chargé; Et nous l’avons considéré comme puni, Frappé de Dieu, et humilié. Mais il était blessé pour nos péchés, Brisé pour nos iniquités; Le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui, Et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris. Nous étions tous errants comme des brebis, Chacun suivait sa propre voie; Et l’Éternel a fait retomber sur lui l’iniquité de nous tous. Il a été maltraité et opprimé, Et il n’a point ouvert la bouche, Semblable à un agneau qu’on mène à la boucherie, A une brebis muette devant ceux qui la tondent; Il n’a point ouvert la bouche. Il a été enlevé par l’angoisse et le châtiment; Et parmi ceux de sa génération, qui a cru Qu’il était retranché de la terre des vivants Et frappé pour les péchés de mon peuple? On a mis son sépulcre parmi les méchants, Son tombeau avec le riche, Quoiqu’il n’eût point commis de violence Et qu’il n’y eût point de fraude dans sa bouche. Il a plu à l’Éternel de le briser par la souffrance… Après avoir livré sa vie en sacrifice pour le péché, Il verra une postérité et prolongera ses jours; Et l’œuvre de l’Éternel prospérera entre ses mains.“

Dieu n’est pas que le juge du mal, il est aussi celui qui a offert de prendre à notre place la peine à laquelle il nous condamne. Il est le seul qui puisse nous sauver de sa propre colère. Et il le fait par grâce et par amour. Il le fait pour sa propre gloire, parce qu’il est Dieu.

L’enfer est donc la mesure qui nous permet de comprendre ce que Jésus a souffert sur la croix pour nous. D’une certaine manière, nous pouvons dire que Jésus a subi notre enfer (1).

Seule la mort de Christ pour nous nous procure l’assurance que notre dette soit payée. Ainsi aux yeux de Dieu, le pécheur fait face à sa justice à deux endroits : au pied de la croix ou en Enfer. C’est le message de Jésus Christ.

 

 

6 applications pratiques de cette doctrine dans notre vie

 

1. La doctrine de l’Enfer nous rappelle la gravité de notre péché

Notre conscience ne suffit pas à en mesurer la gravité parce qu’elle en est elle même aveuglée. Notre conscience du péché est grandissante par notre connaissance de la doctrine de l’Enfer. C’est donc aussi cela qui va nous encourager à vivre une vie en conformité avec notre espérance.

 

2. La doctrine de l’Enfer nous rappelle que l’œuvre de la croix est le cœur de notre adoration

Sans la révélation du jugement dernier, nous ne connaitrions pas Christ comme nous le connaissons aujourd’hui : notre rédempteur, celui qui s’est offert en sacrifice pour nous sauver.
C’est pour cela qu’il est digne de toute notre adoration et que nous célébrons la gloire de sa grâce (Eph. 1. 6).

 

3. La doctrine de l’Enfer répond à notre besoin de justice dans un monde qui ne l’est profondément pas

S’il nous arrive parfois que notre foi soit ébranlée par toute la souffrance autour de nous, rappelons nous : “Le fait qu’il y aura un jugement dernier nous assure qu’au bout du compte, l’univers que Dieu a créé est juste, car Dieu est maitre de tout, il tient des comptes précis et rend un juste jugement. Finalement tout rentrera dans l’ordre.“ W. Grudem.

 

4. La doctrine de l’Enfer nous encourage à pardonner librement et pleinement

Car dans la perspective de la fin des temps, rappelons-nous que tout péché sera payé. Tous les comptes seront réglés. Soit par le sacrifice de Christ ou soit par le châtiment de l’enfer.

 

5. La doctrine de l’Enfer nous encourage à réclamer le retour de Jésus

Citons la conclusion de la Confession de Foi Réformée Baptiste de 1689 (XXXII. 3) :

Christ désire que nous soyons pleinement persuadés qu’il y aura un jour pour le jugement, à la fois pour décourager du péché tous les hommes (2 Co. 5. 10-11), et pour grandement consoler les saints dans leurs épreuves (2 Thess. 1. 5-7). Il veut cependant que ce jour reste inconnu des hommes, afin qu’ils rejettent toute sécurité charnelle et veillent sans cesse, puisqu’ils ignorent à quelle heure le Seigneur viendra (Mc 13. 53-57 ; Lc 12. 35-40), et pour qu’ils soient toujours prêts à dire : « Viens Seigneur Jésus, viens vite » (Apoc. 22. 20). Amen.

 

6. La doctrine de l’Enfer nous pousse à annoncer l’Evangile

Jésus était un prédicateur de l’urgence. Dans toutes les Ecritures, personne n’a autant parlé de la Géhenne autant que lui !
Il se lamentait sur Jérusalem qui ne voulait pas se repentir, il conjurait les villes de Chorazin et Bethsaïda de se repentir de leur incrédulité.

Si nous voulons imiter le Maitre dans notre évangélisation, nous devons parler de l’Enfer autant que lui et comme lui avec amour et vérité.
Bien souvent, je suis mal à l’aise lorsque j’aborde ce sujet avec un non chrétien. J’ai peur de susciter de la haine et du rejet. Ces paroles de Jésus me sont alors d’un grand réconfort : “Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme; craignez plutôt celui qui peut faire périr l’âme et le corps dans la géhenne.“ (Matt 10. 28)

 

J’aimerais, pour conclure, citer ces paroles de Paul évoquant le sort de ses compatriotes qui rejettent leur Sauveur par incrédulité.
Elles me montrent tout le chemin qu’il me reste à parcourir pour avoir plus de compassion vis à vie de ceux qui m’entourent.
Voici ce qu’il dit :

“ J’éprouve une grande tristesse, et j’ai dans le cœur un chagrin continuel. Car je voudrais moi-même être anathème et séparé de Christ pour mes frères… “
(Rom 9. 3).

Partageons nous la même peine à voir ceux qui nous entourent être en chemin vers les peines éternelles ?

 

Quel est donc le meilleur moyen d’envoyer (vraiment) quelqu’un en enfer ?
La réponse est très simple : ne lui en parlez pas.

 

 

 

RC

 

(1) Je dois cette formulation au pasteur Pascal Denault, prononcée lors d’une émission de radio à laquelle j’ai participé avec lui.

 

 

 

 

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Raphaël est marié à Marion avec qui il a 2 enfants. Ancien Educateur Spécialisé, il est étudiant en dernière année à l’Institut Biblique de Genève et pasteur stagiaire à l’ECE Grenoble. Il est aussi évangéliste associé à France Evangélisation.